. MABRI
Dans la forme,   des mots,   des pigments


RWANDA - AVRIL 1994 - Un travail sur LE GENOCIDE
 
Ce travail commence par un livre: 
"Dans le nu de la vie"
de  Jean Hatzfeld


En 2002, je lis ce livre et je tombe de l'humanité. J'ai commencé à travailler dans l'enfermement de ce massacre. Des mois durant, dans l'impensable, l'irreprésentable, l'indicible, sans savoir pourquoi ni comment je poursuivais.
Durant l'été 2003, j'écoute sur France Culture l'audience du procès de quatre génocidaires rwandais, qui s'était déroulé à Bruxelles en 2001, recueilli et présenté par par Laure de Vulpian "Rwanda. Un génocide oublié ?"

J'écoutais, lisais, réécoutais, lisais,... jusqu'à la nausée. Des gestes, des mots, des taches, des bavures, se sont dégagés.
Un jour, tout s'est arrêté. J'ai rangé les toiles, l'encre, les mots, les voix.
Cet abandon de tout a duré un an.
La question de l'articulation de ce génocide et des autres génocides du 20ème siècle m'a travaillée.
Je me suis rapprochée de Primo Levi, Robert Antelme. Je voulais relier. J'ai travaillé cette liaison. Brusquement en 2004, dans les médias, un surgissement dans la mémoire collective.
Dix ans après. D'autres recherches, d'autres réflexions... De nouveau, essayer de reprendre Une fois encore. Un avancement laborieux comme tétanisé par l'inaudible.

Un jour un proche m'a demandé s'il pouvait voir ces panneaux. J'ai tardé à le faire puis les lui ai montrés. Sans un mot, de cet enfouissement, cette émotion est ressortie, là, intacte. Encore un peu de temps et je les ai fait encadrer. Parler de ce travail me gêne beaucoup, comme si j'y trouvais une certaine indécence. J'ai laissé l'espace aux survivants qui, dans la poésie de leur langue, m'a touchée au-delà de tout.

De mon côté, maintenant, je ne peux prendre la parole d'une façon autre que celle que j'ai prise à ce moment là, pour essayer de la restituer à tous : femmes, hommes, enfants, vieillards, morts et survivants du Rwanda.

"Parole presque effacée, presque réduite au récit d'un Invisible à la voix bouleversée, et néanmoins indiciblement présente, intérieurement indestructible." Rainer Maria Rilke

Je remercie Jacques Vidal qui a trouvé le meilleur encadrement qui soit dans la fragilité et le risque de déchirement.


Je remercie le Conseil Régional d'Ile de France qui a accueilli ce travail en avril 2005.